une infirmière parle à une patiente sur un banc de parc.
La solution : une bonne communication. / Photo: Shutterstock.com

Lorsque des personnes en situation de déficience visuelle sont appelées à se rendre chez le médecin ou à l’hôpital, elles sont souvent confrontées à des barrières superflues et évitables. Des malentendus concernant une prise de rendez-vous ou une communication lacunaire durant le séjour hospitalier engendrent un stress et une insécurité accrus. Or, cela n’a pas lieu d’être. La solution : une bonne communication.

Par Michel Bossart

Lorsque des personnes en situation de déficience visuelle doivent subir un examen médical ou se rendre à l’hôpital, elles rencontrent souvent des barrières superflues, pourtant facilement évitables. Dans le magazine américain « American Family Physician », une femme aveugle de naissance âgée de 64 ans a décrit son expérience. Le magazine remonte certes à plus de dix ans, mais son contenu reste hautement actuel. Le premier malentendu est déjà survenu pour fixer le rendez- vous. Alors qu’elle avait demandé qu’il lui soit communiqué par téléphone ou par courriel, elle a bien entendu reçu un courrier postal.
Une ergothérapeute à Lausanne rapporte qu’une patiente malvoyante a été victime d’une bévue similaire. Afin de pallier son manque d’informations visuelles, elle a prié le personnel hospitalier de se présenter chaque fois qu’il entrait dans sa chambre et de lui expliquer pourquoi. Il aurait été judicieux d’afficher cette requête sur la porte de la chambre de la patiente, mais l’hôpital n’a pas accédé à ce souhait. Lorsque la cliente a demandé à une infirmière de se présenter, elle a rétorqué l’avoir déjà fait le matin-même.
Bien souvent, le personnel soignant ou les médecins ne s’adressent pas à la personne concernée, mais à celle qui l’accompagne pour lui demander des précisions sur l’état du patient.
Une quantité non négligeable de patients en situation de déficience visuelle, admis pour une fracture du bras ou une opération de l’appendicite par exemple, expliquent que le personnel hospitalier ne leur parle pas toujours clairement, ni directement, ce qui engendre du stress et n’est pas rassurant. Or, il est essentiel que leur environnement immédiat leur soit décrit avec précision, notamment le fonctionnement du lit et de la sonnette.

Un modèle du genre : une clinique ophtalmique
Infirmier diplômé, Mario Wesemann, qui travaille depuis un an et demi à la clinique ophtalmique de l’hôpital universitaire de Zurich, explique que durant sa formation, il y a quinze ans, le thème de la déficience visuelle n’était effectivement que brièvement abordé. « Toutefois, lorsque j’ai rejoint la clinique ophtalmique de Zurich, j’ai participé à un cours d’introduction. Lors de séances d’équipes, nous sommes toujours à nouveau sensibilisés à ce thème et suivons régulièrement des formations continues. » Or, qu’advient-il lorsque le patient n’est pas admis dans une clinique ophtalmique, mais dans un service de traumatologie, par exemple ? Mario Wesemann précise : « Nous avons des contacts fréquents avec des collègues d’autres services. Souvent proactifs, ils viennent d’eux-mêmes nous consulter. » Une chose est claire : Il faut consacrer plus de temps aux patientes et patients en situation de déficience visuelle, car ils ont besoin de davantage de soutien.

Le temps ne manque pas
Souvent, à la clinique ophtalmique, les patients sont amenés dans leur unité par un service bénévole. « Ensuite, nous nous présentons et veillons à bien nous trouver dans le champ de vision du patient. » Une fois que l’on a demandé à la personne comment elle souhaite être guidée, elle est conduite à sa chambre. « Arrivés là, nous lui expliquons tout de A à Z, notamment où se trouve le lavabo ou la salle de bain. » Des obstacles tels que chaises et tables sont poussées contre le mur et dans une chambre à plusieurs lits, une personne en situation de déficience visuelle occupe toujours le lit près de la salle de bain, de sorte à ne jamais devoir se soucier des obstacles. »
Quant au facteur temps, il ne constitue pas un problème. L’on sait qu’avec ce groupe de patients, il faut prévoir plus de temps. « Cela est d’ailleurs vraiment important et normal », souligne Mario Wesemann.
Dijana Vujovic est directrice opérationnelle des soins à la clinique Hirslanden de Zurich, où l’approche est similaire. Elle explique : « Le système de l’horloge est particulièrement efficace. Nous utilisons le cadran d’une montre imaginaire pour décrire au patient où se trouvent des objets dans sa chambre ou sur sa table. Nous lui disons par exemple : « Le dessert se trouve à midi et la tasse de café à 2 heures. » Cette méthode aide les patientes et patients à mieux s’orienter et leur permet de trouver seuls les objets dont ils ont besoin. Comment les autres services de l’hôpital universitaire de Zurich sont-ils sensibilisés à la thématique de la déficience visuelle ? Mario Wesemann ne saurait le dire. Il confirme néanmoins que son service a connaissance de l’aide-mémoire hospitalier édité par l’UCBA, qui énumère les principaux points à prendre en compte avec des patients en situation de déficience visuelle. Les thèmes suivants, brièvement expliqués, sont répartis en quatre chapitres : « Parlez-moi », « Décrivez-moi ma chambre », « Ne déplacez pas mes affaires » et « Dites-moi ce qu’il y a dans mon assiette ». Mario Wesemann acquiesce : « L’essentiel avec des patients en situation de déficience visuelle, c’est la communication. Ce n’est qu’à travers elle que la confiance peut être instaurée avec succès. » Si les patients emportent à l’hôpital tous leurs moyens auxiliaires, les choses devraient bien se passer, dit-il confiant. Il regrette que les chiensguides d’aveugles soient interdits d’accès à l’hôpital pour des questions d’hygiène.

Une anamnèse des soins méticuleuse
Le groupe hospitalier de l’Hôpital de l’Île a adopté une directive interne relative à une bonne approche des soins hospitaliers avec les personnes malvoyantes et aveugles. Une réponse à nos questions confirme que la directive est axée sur la prise en charge déficitaire des personnes concernées par rapport aux domaines de la mobilité, de l’alimentation, de la communication et de l’hygiène corporelle en cas d’hospitalisation pour des soins aigus, ainsi que sur des aspects spécifiques de la planification de l’admission et de la sortie. La directive apprend également aux patients comme aux proches l’autogestion médicamenteuse dans l’administration de gouttes ophtalmiques en situation de déficience visuelle.
Quant à savoir comment les personnes concernées peuvent contribuer à mieux sensibiliser le personnel hospitalier et soignant à leurs besoins, la réponse de Dijana Vujovic est similaire à celle de Mario Wesemann : « Une communication précoce proactive est judicieuse, que ce soit sur la nature et la gravité du handicap ou sur le soutien nécessaire ou souhaité par la personne concernée. Il est également important que les patientes et patients emportent avec eux leurs propres moyens auxiliaires, dont ils ont l’habitude. » Cependant des malentendus peuvent tout de même survenir. Il n’est par exemple pas facile pour le personnel soignant d’appréhender immédiatement l’acuité visuelle d’un patient. Il peut aussi arriver aux professionnels de mal ou de ne pas connaître les moyens auxiliaires utilisés. Une anamnèse des soins méticuleuse est donc essentielle. C’est pourquoi l’entretien d’admission structuré se concentre notamment sur les besoins et les déficiences du patient ou de la patiente.

Quelques astuces pour le personnel sur le terrain
Revenons-en à l’Américaine aveugle en colère après une visite médicale qui s’est mal passée. Dans son article, elle a indiqué quelques tuyaux concernant l’attitude des professionnels à l’égard des personnes concernées. Ils sont autant utiles pour les généralistes que dans le cadre d’un séjour hospitalier.

– Demandez à vos patients sous quelle forme ils souhaitent recevoir la documentation (sur papier, en grands caractères, par courriel, etc. ?) Réfléchissez aussi au système le plus adéquat pour l’identification de ses médicaments. Demandez par exemple au pharmacien d’entourer de trois élastiques le flacon de pastilles à prendre trois fois par jour.
– Lisez toujours à haute voix ce que vous écrivez dans le dossier médical du patient.
– Demandez à tous les membres du personnel d’indiquer leur nom et leur fonction chaque fois qu’ils entrent dans la chambre du patient, même lorsqu’ils portent un badge.
– Adressez-vous directement au patient plutôt que de demander à la personne voyante qui l’accompagne : « A-t-il / A-t-elle… ».
– Expliquez au patient votre intention et faites-lui d’abord toucher l’objet chaque fois que cela est possible. Laissez au patient le soin de changer lui-même son pansement ou d’exécuter seul les tâches qu’il sera appelé à faire chez lui et montrez- lui comment procéder.
– Prenez congé avant de quitter la pièce afin que le patient ne parle pas dans le vide.
– Si vous oubliez l’une de ces consignes et que la communication passe mal, excusez-vous et réessayez. Ce n’est ni la première, ni la dernière fois, que le patient se trouve devant une personne embarrassée face à son handicap. Nous apprécions de pouvoir vous indiquer ce que nous préférons.