« Dis Siri, où suis-je ? »
La technologie smartphone donne aux personnes malvoyantes et aveugles des possibilités de navigation nouvelles. L’École de la pomme leur apprend à bien utiliser un smartphone ou une tablette.
Par Sandro Lüthi, Ecole de la Pomme, Autres auteurs: Bettina Jäger, Christian Huber, Jean-Marc Meyrat, Ernst Horat
« Lorsqu’on voyage, il y en a des choses à raconter », aujourd’hui comme par le passé. Ceci est non seulement vrai lorsque l’on voit bien, mais plus encore lorsque l’on est aveugle ou malvoyant. Il suffit alors de se rendre dans un lieu inconnu, même proche, pour découvrir combien cette entreprise peut devenir complexe. Toutefois, le témoignage de Martin (nom modifié par la rédaction), 47 ans, montre les possibilités que l’utilisation optimale du smartphone offre aujourd’hui aux personnes fortement handicapées de la vue.
Phase 1 : les préparatifs
La réunion est fixée au 10 février, à 14h30, à la Klosbachstrasse 36, un endroit que Martin ne connaît pas. Il commence par entrer dans son application « Calendrier » pour y noter le rendez-vous et l’adresse. Il sélectionne ensuite l’application « Mobile CFF » afin de connaître les possibilités d’horaires et de transports (train, bus tram) pour s’y rendre ce jour-là. Comme il habite à Dagmarsellen, dans le canton de Lucerne, plusieurs solutions lui sont proposées. Martin enregistre l’itinéraire choisi dans l’application « Mobile CFF » afin de pouvoir le consulter le jour du voyage. L’appli lui révèle que depuis le dernier arrêt de bus, à Zurich, il doit encore marcher environ 400 mètres pour arriver au lieu de réunion. Aussi vérifie-t-il dans l’application « Plans » quelles rues il doit ensuite emprunter depuis l’arrêt de Zürich-Hottingen, pour être bien certain de la direction à prendre.
Phase 2 : Le trajet
Martin se met en route : « Chez moi, je connais les alentours et les correspondances. Toutefois, peu avant le départ, je vérifie si le bus est à l’heure. Il suffit d’appuyer sur le bouton correspondant pour retrouver l’itinéraire enregistré la veille dans l’application « Mobile CFF ». Afin de me placer au bon endroit, sur le quai, je contrôle la composition du train et active la fonction « billet » d’EasyRide : resquiller n’est pas ma tasse de thé ! Une fois dans le train, je revérifie quel tram je dois prendre pour aller de Stadelhofen à la Kreuzplatz. Arrivé à Stadelhofen, je me rends à l’arrêt du tram 8. Heureusement que je sais déjà où il se trouve. Plus on connaît les lieux, plus tout est simple.
Je profite de mon court trajet en tram pour me remémorer le chemin à parcourir à pied trouvé la veille sur le plan. Il m’importe surtout de connaître la direction à prendre après le premier carrefour.
Parvenu à destination, je m’assure que je suis bien à l’adresse recherchée en demandant à Siri : «Dis Siri, où suis-je ? » Siri me le confirme.
Parfait, mais où se trouve l’entrée ? J’ouvre donc une autre appli, « Be My Eyes », qui s’est déjà maintes fois révélée idéale dans ce genre de situations. La touche d’appel me permet d’entrer en contact avec une personne bénévole. Grâce à la caméra de mon smartphone, elle peut voir où je me trouve. Il me suffit de faire pivoter ce dernier dans un sens, puis dans l’autre. Elle me dit aussitôt que l’entrée se situe à quatre à cinq mètres sur ma gauche. Et effectivement, la voici, cette fichue porte qui a failli tout faire capoter si près du but. »
Phase 3 : À destination, presque comme avec la lampe d’Aladin !
Martin est parvenu à destination à l’heure et en toute sécurité grâce à cinq applications. Leurs performances sont impressionnantes ! Il les compare même à la lampe d’Aladin tout droit venue des contes des Mille et Une Nuits, une percée fantastique du XXIe siècle, qui plus est bien réelle.
Comme le montre le témoignage de Martin, trouver une adresse n’est pas chose aisée pour une personne malvoyante ou aveugle, moins encore lorsque les lieux ne lui sont pas très familiers. Combiner différentes applications est certes judicieux, mais encore faut-il savoir laquelle utiliser à quel moment et comment chacune d’elles fonctionne. À cette fin, l’École de la pomme propose plusieurs cours permettant de maîtriser le fonctionnement de ces différentes applis de navigation et de les tester directement. Son offre de cours actualisée en permanence est disponible sur : https://ecoledelapomme.ch/cours-proposes/)
Infobox: Sélection d’applications de navigation
Les « App Stores » regorgent d’applications de navigation. Précisons toutefois qu’elles ne sont pas toutes accessibles à l’aide d’une synthèse vocale. Les quelques applis ci-dessous ont été testées avec VoiceOver, la synthèse vocale d’Apple.
L’application « Plans » d’Apple – gratuite
Préinstallée sur tous les iPhones, cette appli montre des itinéraires à pied, en voiture ou en transports publics. Siri peut également servir de « guide » jusqu’à une adresse donnée.
L’application « Google Maps » – gratuite
Par rapport à l’application « Plans » d’Apple, « Google Maps », l’appli de Google, propose en plus des itinéraires à vélo, ainsi que de nombreuses informations concernant les points d’intérêt et les restaurants.
Komoot
Cette application est très utile pour les randonneurs. Komoot connaît aussi les petits sentiers et propose également des randonnées dans la région visitée.
MyWay Classic
Proposée par la Fédération suisse des aveugles et malvoyants (FSA), cette application de navigation indique précisément, par vibrations, le début d’un itinéraire ainsi que toutes ses bifurcations. En outre, MyWay Classic permet de créer ses propres itinéraires, réutilisables ultérieurement, en y marquant les points importants, tel un banc.
ViaOpta Nav – application gratuite
Proposée par Novartis, cette application de navigation prend en charge les itinéraires à pied ou en voiture. À l’aide de vibrations, ViaOpta Nav indique le début de l’itinéraire ainsi que la direction à prendre à chaque bifurcation. Une fois à destination, il suffit de presser sur un bouton pour ouvrir l’application « Be My Eyes » afin d’obtenir l’aide d’une personne voyante.
BlindSquare
BlindSquare permet d’explorer l’environnement où l’on se trouve ou celui où l’on souhaite se rendre. Ainsi, l’on peut en découvrir les particularités.
Infobox: Le mystère des GPS
Actuellement, la plupart des logiciels de navigation se fondent sur le système GPS (« Global Positioning System »), à savoir sur le Système mondial de positionnement de l’armée américaine. En d’autres termes, la précision de la géolocalisation dépend à la fois du bon vouloir du Pentagone et de la position de l’utilisateur. La géolocalisation ne sera donc pas aussi précise selon que l’on se trouve sur la Place fédérale ou dans une ruelle de la vieille ville de Genève.
La prudence est de mise
En dépit des progrès fulgurants dans les domaines de l’aide à la navigation et des systèmes de cartes, la prudence est de mise. En effet, l’attention nécessaire à l’utilisation de ces services peut entraver la perception de l’environnement. Un maniement optimal de ces outils requiert une solide formation en orientation et mobilité ainsi que le recours à des stratégies personnelles.