Formation professionnelle: Nouvelles perspectives et développements en Suisse romande
Par Jacqueline Gyger, Frédéric Schütz, Vassilia Vevopoulou, David Rodriguez
L’entrée en formation professionnelle et dans la vie active des jeunes personnes concernées a toujours constitué un objectif important pour le Centre pédagogique pour élèves handicapés de la vue (CPHV). Aujourd’hui, au vu des difficultés liées à ces transitions pour les jeunes ayant des besoins particuliers, le CPHV met un nouvel accent sur cet objectif, avec la formalisation de différentes mesures en collaboration avec les offices de l’assurance invalidité (OAI).
La formation professionnelle des jeunes et adultes ayant une déficience visuelle
A ce jour, les professions retenues pour les personnes aveugles et malvoyantes sont relativement peu nombreuses et passablement orientées autour de l’informatique. Citons notamment, comme choix privilégiés, les professions telles que : employé de commerce, assistant de bureau, informaticien, standardiste/téléphoniste ou encore masseur et physiothérapeute.
Il n’existe pas à proprement parler une liste exhaustive de métiers « possibles » pour ce public. Chaque personne étant différente, le choix professionnel doit ainsi être défini tenant compte de cette individualité, du potentiel de chacun, de ses ressources et de ses freins (notamment en matière de déficit visuel) d’une part, ainsi que des possibilités d’adaptation du poste de travail chez un employeur potentiel, d’autre part.
Les nouvelles prestations proposées au CPHV
De manière à compléter notre offre de prestations pour la scolarité post-obligatoire, le CPHV a développé deux nouvelles prestations avec les offices AI romands :
- L’orientation professionnelle, avec pour objectif de déterminer des projets réalistes et réalisables. La formation professionnelle se fera ensuite directement en entreprise ou dans le cadre d’un centre spécialisé (ORIF par exemple) en fonction des capacités de la personne et l’accord des OAI.
- La préparation spécifique à l’entrée en formation professionnelle, avec pour objectif d’offrir la plus grande autonomie possible dans l’utilisation de l’informatique et des moyens auxiliaires informatiques propres au déficit visuel.
Ces deux prestations visent autant les jeunes ayant une déficience visuelle qui arrivent au terme de leur scolarité obligatoire que les adultes se trouvant face à une reconversion professionnelle suite à la survenue d’une problématique visuelle ne leur permettant plus d’exercer leur métier de base.
Avec quels outils ?
La mesure d’orientation professionnelle se déroule ainsi en deux phases principales. La première se déroule à l’interne du CPHV à travers des entretiens et la réalisation des tests d’aptitudes spécifiques (Basic check[1]), adaptés au handicap visuel, des questionnaires d’intérêts et des bilans de compétences extrascolaires, professionnelles ou développées lors des loisirs, du bénévolat, etc. permettant de mettre en évidence le parcours de la personne, ses ressources, ses freins, ses envies, etc. avec pour objectif de déterminer une ou plusieurs pistes professionnelles. Ensuite, ces projets sont évalués sur le terrain par des stages en entreprise. Le travail en réseau pluridisciplinaire réunissant des enseignants, médecins, psychologues, ergothérapeutes, formateurs en informatique, représentants des instituts de formation, ainsi que des entreprises, est au cœur du processus d’orientation professionnelle.
La mesure de préparation spécifique à l’entrée en formation professionnelle se déroule sous forme de parcours. En premier lieu, les objectifs informatiques individualisés sont définis avec le bénéficiaire, en fonction du domaine professionnel ou de la formation envisagés, ainsi que de son handicap visuel.
Durant son parcours, le bénéficiaire aura l’occasion de mettre en pratique ses apprentissages en participant à différents projets internes ou externes à la Fondation, par exemple sous la forme de stages.
Un défi majeur, mais réaliste
En tant que Centre de référence pour la déficience visuelle, et dans un contexte socio-économique privilégiant le mot d’ordre « la réadaptation prime la rente », le CPHV deviendra un acteur clé du système d’insertion professionnelle en offrant des prestations spécifiques pointues, insuffisamment développées à ce jour.
Nous nous trouvons au début d’un défi majeur, mais réaliste, dans lequel seule une coordination des efforts de tous permettra de porter les fruits escomptés : les adultes – plus ou moins jeunes – concernés, les professionnels qui apportent leurs compétences spécialisées en matière de déficience visuelle mais également les employeurs prêts à adapter certaines pratiques, et toutes les autorités compétentes qui œuvrent à l’adoption de conditions-cadres indispensables.
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En pratique
Un jeune homme malvoyant a souhaité depuis longtemps devenir assistant socio-éducatif. Cependant, influencé par les représentations sociales concernant les personnes avec une déficience visuelle, en premier abord, il était convaincu qu’à part le bénévolat, ce métier ne lui était pas accessible, notamment pour des raisons de sécurité vis-à-vis des personnes qu’il devrait accompagner. A la fin de la première semaine de son stage au sein d’un EMS, il a été surpris de découvrir qu’il arrivait à mener à bien les tâches comme ses collègues. Il réalise seul différents ateliers dont un cours de gymnastique. Bien évidemment, il ne pourra pas conduire le minibus d’une institution pendant les sorties des résidents et ne pourra pas lire les articles d’un journal. Par contre, ses capacités relationnelles et le fait d’être un homme dans un milieu souvent féminin constituent des atouts pour sa réinsertion professionnelle. L’EMS au sein duquel il fait son stage lui propose une place d’apprentissage. Toutefois, afin d’évaluer l’écho de son choix professionnel sur le marché de l’emploi et d’éviter de ne se restreindre qu’à une institution, il réalise un stage dans un autre EMS. Parallèlement, il apprend l’informatique spécifique au déficit visuel, outil indispensable pour la prise de notes et la lecture des manuels scolaires informatisés dans le cadre des cours à l’école professionnelle.
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Frédéric Schütz est directeur du CPHV, Jacqueline Gyger responsable formation & innovation, Vassilia Vevopoulou psychologue conseillère en orientation et David Rodriguez formateur.
Centre pédagogique pour élèves handicapés de la vue (CPHV), CP 133, Avenue de France 30, 1000 Lausanne 7, cphv@fa2.ch
[1] Voir https://www.basic-check.ch